Loi fiscale plus douce et incidence en matière de prescription

Décryptage d'un arrêt de la Cour de Cassation du 7/05/25 rendu sur l'art. 1115 du CGI.
✳️ RAPPELS :
PRINCIPE : Non-rétroactivité des lois (C.Civ art.2)
EXCEPTION : Rétroactivité « in mitius » une loi pénale plus douce s’applique aux faits commis avant son entrée en vigueur s’ils n’ont pas été définitivement jugés.
Art. 1115 CGI : exonère de DMTO un acquéreur assujetti à la TVA qui s'engage à revendre dans un délai de 4 ans, finalement porté à 5 ans par la Loi du 9.03.2010 !
✳️ LES FAITS :
👉 Juin 2008 la société F acquiert un terrain sous le régime de l’art. 1115 CGI mais ne revend pas dans le délai légal (initial de 4 ans, passé à 5 ans en 2010).
👉 Juillet 2019 l’administration fiscale notifie un redressement à la société F et remet en cause le bénéfice du régime de faveur pour non-respect de l'engagement de revendre. Elle estime que son délai de reprise de 6 ans s'applique ainsi :
▪️ Acquisition : 2008
▪️ Délai de revente n+5 (Loi 2010) : 2013
▪️ Délai de reprise : 2013 + 6 ans : 31.12.19
👉 La société F oppose la prescription fiscale et obtient gain de cause devant le tribunal Judiciaire de Béziers le 15/11/21.
👉 Dans un arrêt du 19/9/23, la Cour d'Appel infirme le jugement. La société FO se pourvoit en Cassation.
Selon l’administration fiscale, l'allongement du délai de revente de 4 à 5 ans s’applique aux engagements non échus à la date d'entrée en vigueur de la loi = "Rétroactivité" de la loi plus douce de 2010.
Dans sa doctrine du 18.04.11 (BOI n° 7 C 2-11), elle prévoit qu’un engagement de revendre pris avant à la Loi de 2010 bénéficie du délai de 5 ans.
Selon la société F, l’allongement du délai ne s’applique pas à son achat de juin 2008, car :
▪️Non-rétroactivité des lois
▪️Rétroactivité « in mitius » limitées aux sanctions fiscales
▪️Inopposabilité de la doctrine contraire à la loi
👉 Cassation sans renvoi (n° 23-23.851) :
➡️ Art. 2 C.civ et 1115 CGI
o La loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridique non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, mais ne peut remettre en cause des obligations nées à cette date.
o Le principe de rétroactivité « in mitius » s’applique aux seules pénalités qui constituent des sanctions et non à une mesure qui n'a pas le caractère d'une peine telle que l’allongement du délai art. 1115 du CGI (bien que favorable au contribuable).
➡️ La doctrine (art. L.80 A du LPF)
o Ne donne à l’administration fiscale ni pouvoir réglementaire, ni possibilité d’établir une imposition contraire à la loi.
o Peut être opposée par le contribuable qui conteste son imposition.
Au jour du fait générateur en juin 2008, le délai pour revendre était de 4 ans et non de 5 ans ➡️ CQFD Manquement à l'engagement en juin 2012 = Fin du délai de reprise de l’administration fiscale le 31.12.18 = Proposition de Rectification de juillet 2019 était prescrite !
Une décision cohérente en matière de prescription fiscale (et un coup de chance pour la société F n’ayant pas respecté son engagement de revendre...).