Modulation des majorations fiscales
Retour sur le contrôle de la proportionnalité des majorations appliquées rappelé par la Cour de cassation.
Décryptage de la décision du 12 février 2025 qui rappelle, au visa de l’article 6.1 de la CEDH, que toute pénalité fiscale doit être proportionnée au manquement commis.
✳️ LES FAITS
La SCI A avait fait l’acquisition d’une propriété en 2005 avec engagement de revente dans les 4 ans, en qualité de marchand de biens et entendait ainsi bénéficier de l’exonération des droits d’enregistrement au titre de l’article 1115 du CGI. Elle a revendu la propriété à la SCI B. en 2019.
L’administration fiscale a adressé une proposition de rectification à la SCI A, considérant que l’exonération des droits d’enregistrement était inapplicable, l’engagement de revendre dans les 4 ans n’ayant pas été respecté.
Au surplus, elle a appliqué une majoration de 80 % pour abus de droit, au motif que :
▪️La SCI A a vendu le bien à la SCI B, créée quelques jours avant l’achat
▪️L’associée de la SCI B est la fille de l’associé de la SCI A, détenant lui-même des parts dans la SCI B
▪️Le siège social et le gérant sont identiques
▪️Le prix est indiqué payable à terme, sans prise d’inscription du privilège du vendeur.
Après rejet de sa réclamation contentieuse, la SCI A. a assigné l'administration fiscale devant le Tribunal judiciaire sur le fondement du caractère disproportionné de la sanction, compte tenu des circonstances du dossier.
Le Tribunal judiciaire et la Cour d’appel ont écarté la demande de modulation, considérant que :
▪️Le CGI prévoit déjà le montant des majorations selon le manquement commis et vise à sanctionner le contribuable selon les circonstances du manquement.
▪️La proportionnalité des peines réside dans la pluralité de majorations selon le manquement commis aux obligations fiscales et la majoration de 80 % vise les agissements reprochés en l’espèce au contribuable, savoir l’abus de droit.
✳️ LA DECISION
La chambre commerciale en date du 12/02/2025 (23-14.047) CASSE et ANNULE la décision de la Cour d’appel au visa de l’article 6.1 de la CEDH puisque :
👉 Le juge doit se prononcer sur le principe ET le montant de la pénalité,
👉 Et doit donc vérifier que la pénalité fiscale soit proportionnée au comportement du contribuable selon les circonstances de l'espèce.
💡En tout état de cause, quelle que soit la majoration appliquée (40 % pour dépôt tardif ou pour manquement délibéré ou encore 80 % pour abus de droit), l’administration fiscale doit justifier le caractère proportionné de l’application de la majoration, au regard des circonstances du dossier.
Les contribuables ne doivent pas hésiter à saisir le juge judiciaire qui devra apprécier, in concreto, le caractère proportionné de la majoration appliquée.