Vente d’un bien démembré reçu par succession
Présomption de répartition du prix de vente et risque de double imposition des nus-propriétaires.
✳️ LES FAITS
Des époux, communs en biens, achètent leur résidence principale pour 500.000 €.
M. décède en 2018, laissant pour lui succéder :
👉 son épouse, conjoint survivant, en totalité en usufruit
👉 leurs 2 enfants, en nue-propriété.
En 2020, Mme (69 ans) vend la résidence principale pour 600.000 € afin de s’acheter un appartement.
✳️ SORT DU PRIX
Principe (art. 621 du CGI) :
▪️Répartition du prix entre l’usufruitier et les nus-propriétaires, sauf accord entre eux pour reporter l'usufruit sur le prix = Quasi-usufruit
▪️Pour la ventilation, utilisation du barème fiscal possible (art. 669 du CGI) ou de l'usufruit économique.
Exemple avec barème fiscal :
Conjoint survivant : 1/2 du bien en pleine propriété 300.000 € +120.000 € Usufruit de 1/2= 420.000 €
Enfants : 180.000 € nue-propriété sur 1/2
Si le conjoint survivant rachète un bien pour 420.000 €, les enfants seront taxés sur sa valeur vénale en pleine propriété au décès.
Ayant reçu leur quote-part de prix lors de la vente, ils ne subissent pas de double imposition.
🔥PROBLEMATIQUE : En pratique, il arrive que le prix soit remis en totalité au conjoint survivant sans précision (Quasi-Usufruit), ni répartition.
Dans ce cas, les enfants seront taxés sur :
👉 le bien en plaine propriété (420.000 €)
👉 l'ensemble des liquidités du conjoint survivant, sans déduction d'une créance de restitution, en l'absence de convention de Quasi-Usufruit conclue par acte authentique ou acte Sous-Seing Privé enregistré (cf. art 773 2° du CGI), malgré la preuve de la remise TOTALE des fonds au conjoint survivant par la comptabilité de l'étude !!
💡Or, la présomption de répartition n’est pas d’ordre public et les parties peuvent conserver le bénéfice du démembrement de 2 façons :
✅ Remploi de tout ou partie du prix dans un nouveau bien démembré. La traçabilité irréprochable des fonds et les clauses des actes de vente et d'acquisition (remploi) devraient permettre de combattre la présomption fiscale de l'article 751 du CGI, applicable si le démembrement persiste jusqu'au décès.
✅Report du démembrement sur le prix de vente, ce qui revient à constituer un Quasi-Usufruit au profit du conjoint survivant, qui pourra alors librement disposer des liquidités et ce qui donnera lieu, à son décès, à la déduction d'une dette de restitution, à condition que, au terme de l'article 773 2° du CGI, le formalisme soit respecté ET que l'existence et la sincérité de la dette au décès puisse être démontrée.
⚠️ Rappelons que, ici, les dispositions de l'article 774 bis du CGI ne pourront pas être opposées aux nus-propriétaires (nécessité de prouver que la remise des fonds n'a pas été réalisée dans un but principalement fiscal) dès lors que le démembrement ne provient pas d'une donation démembrée avec réserve d'usufruit de la part de Mme !!
En conclusion, en cas de vente d'un bien démembré, il est indispensable d'évoquer et de qualifier immédiatement le sort du prix pour éviter les mauvaises surprises au décès (et, accessoirement, calculer correctement les PVI 😉).